Soyons honnête, l’annonce de ce nouveau Doom m’avait laissé aussi froid que le bon vieux Vladimir devant un ultimatum de la communauté européenne. Les génies de la communication de Bethesda ont bien essayé de nous faire saliver, mais rien n’y a fait. Après une preview de la jaquette moche du jeu et une beta du mode multi relativement raté, les augures semblaient s’être détournés de ce remake d’une icône 90s pour aller faire briller de nouveaux élus. A l’instar d’un Duke Nukem Forever (pourtant attendu de longue date), cette nouvelle itération semblait destinée à être rapidement oubliée.
Les premières images du mode solo sont alors arrivées, les premiers échos plutôt favorables ont suivi. L’envie de mettre la main sur ce « remake » d’un des plus grands classiques du jeu vidéo a pris le dessus (pour les plus jeunes, avant d’appeler ça un FPS, on appelait ça un doom-like). C’est donc aussi fébrilement que le mastodonte russe devant un nouveau gisement de pétrole en Crimée que j’ai (pas très) patiemment attendu que ce Doom millésime 2016 daigne s’installer sur ma console. Après avoir bien pris son temps, ce petit saligaud s’est donc laissé approcher l’air de rien pour me prendre à l’estomac d’un magnifique contre-pied.
Damage Control
Le mode solo débute par l’éveil du héros dans une pièce étrange, immédiatement suivi de l’éclatement de quelques têtes de simili-zombie puis de l’enfilage de la combinaison. Pas de scène d’intro, pas de voix off pour nous expliquer ce qu’on fait là, pas de Vlad pour diriger notre colère sur un ennemi précis. On se contente d’avancer tout en découvrant au fur et à mesure qu’on est sur Mars en plein milieu d’une invasion démoniaque. Ca tombe bien, le démon on connait et on sait le buter avec moults litres d’hémoglobine. Oubliez la poésie ou la mise en abîme scénaristique, Doom est aux antipodes des pontes over scénarisés du genre et de leur nombreuses cut-scenes.
Ici, le tempo est donné par le jeu et son gameplay nerveux à souhait. Les niveaux sont composés d’arènes fermées remplies d’engeances démoniaques à éviscérer entrecoupés de phases d’exploration. Pas question de surprendre le joueur avec un ennemi sorti de nulle part au détour d’un couloir, l’arrivée dans une partie de roquette-ball est immédiatement rythmée pas les riffs lourds de morceaux de heavy metal bien baveux. Une fois notre lourde tâche d’éradication menée à bien, on peut accomplir nos objectifs et chercher les multiples secrets dont ce Doom regorge. Contrairement aux 300 objets inutiles à ramasser de The Division, explorer à fond toutes les cartes apportera divers bonus sous la forme de points d’amélioration d’armure ou d’armes, et même quelques défis à réussir pour obtenir des pouvoirs passifs pour aider à la progression.
Démon niaque
Revenons donc sur le gameplay (et indirectement sur le level design) puisque c’est là le coeur de Doom (avant qu’on le lui arrache). Dans le désordre, il n’y a pas de bouton pour courir, puisqu’on court tout le temps. Pas de couverture ou de vie qui remonte automatiquement, il nous faudra récupérer santé, armure et munitions régulièrement pour ne pas terminer en chair à démon. Les petits gars d’ID Software ont remis au gout du jour la maniabilité directe, sans fioriture, des FPS années 90, en contrepied parfait des CoD ou BF tant appréciés aujourd’hui. La meilleure preuve ? Les glory killls, exécutions à mains nues de nos ennemis lorsque leur vie est faible, qui permet – au-delà de la réjouissance sanglante d’utiliser le bras arraché d’un démon pour lui dévisser la tête – de récupérer de la santé sur le cadavre fumant de la victime.
Sous ses aspects de grosse brutasse va-tout-droit, il faudra jouer intelligemment pour sortir vivant de toutes ces arènes. Les munitions sont limitées et généralement insuffisantes dans l’inventaire pour tuer tous les trucs malsains d’en face, charge au joueur de bien choisir son flingue (on porte toutes les armes en simultané, pas besoin de choisir ses 2 préférées). Si la vie est faible, va-t-on risquer de s’approcher d’un démon faible pour un glory kill et récupérer la santé manquante ? Autre ajout malin, la tronçonneuse qui permet de récupérer moults munitions mais qui consomme un carburant chichement réparti sur les maps. Même question que pour la santé: plus de munitions, est-ce que je tente un coup de tronçonneuse sur un gros truc pour faire le plein d’ammo avec l’espoir qu’il ne m’éventre pas avant ? Le plus beau dans tout ça c’est qu’après quelques minutes de prise en main, on réalise tout ça de manière instinctive, sans porter un regard sur notre HUD, d’ailleurs agréablement discret.
Autant le dire, la survie dans Doom dépend autant de l’utilisation intelligente des armes, des glory kills que du mouvement pour échapper aux tirs ennemis et ramasser les munitions et kits de soins. Pas de temps mort durant les combats, le jeu dégage une énergie folle et un plaisir coupable que l’on n’avait pas ressenti depuis fort longtemps (peut être depuis l’âge d’or du FPS avec Doom/Blood/Duke/Quake et consorts). On en oublierai presque de parler du magnifique moteur graphique développé par le studio, qui rend l’un des plus beaux jeux toutes plateformes confondues. Les textures sont nettes, l’action est fluide et le design très réussi. Mention spéciale à l’enfer, superbe environnement (graphiquement bien sûr, je ne parle pas du voisinage).
Muet ou benêt ?
On peut se demander où les développeurs se sont arrêtés dans la qualité du titre. Réponse simple : à peu près à la moitié du jeu. Une fois arrivé en enfer, toutes les armes obtenues, Doom devient répétitif as fuck. Oui, as fuck. C’est dire. On passe d’arène en arène avec de moins en moins du surprises ou de nouveautés, répétant inlassablement les moves pour enquiller du diablotin. On y prend moins plaisir, certes, mais on s’entête, parce que c’est bon quand même de défourailler dans tous les sens. La puissance dégagée par les armes y est pour beaucoup, tout comme les bonus à l’ancienne qui viennent émailler nos gentilles rencontres (quad damage pour exploser un éléphant avec un pistolet à plomb, berserker pour éclater tout le monde à mains nues, etc.).
Le scénario – plutôt son absence en fait – est un parti pris qui intrigue au premier abord, avec ce héros muet qui ne fait que casser tous les trucs liés de près ou de loin à l’invasion démoniaque, quitte à ignorer royalement les recommandations du « chef » de la station. A terme, on a l’impression d’incarner une brute épaisse incapable de faire autre chose qu’aller tout droit, même communiquer. Si ça sert très bien l’univers et le style voulu pour Doom, ça nous éloigne un peu de l’affaire. Lorsqu’on commence à sentir le côté répétitif, cet aspect accentue la sensation d’éternel recommencement.
Impossible d’envisager un jeu en 2016 sans mode multi, même avec un solo de cette qualité. Ca aurait été le pied de nez parfait à la bande à Call of, mais ID Software n’a pas tenté le diable (ha ha ha) et donc ajouté une composante multijoueur à son bébé. On peut donc s’écharper gentiment entre « humains » sur Doom. Voila. C’est toujours énergique, mais assez anecdotique pour l’instant. Oui pour l’instant, car un éditeur de cartes (Snapmap) est fourni avec le jeu et plutôt bien foutu malgré quelques manques (pas tous les environnements, seulement 2 armes simultanément) qui ne sauraient qu’être corrigés via les futurs DLC (gratuits, espérons le). Si certains d’entre nous y passeront des heures pour exulter la rage qu’ils ont envers leur prochain, ce multi ne fera sûrement pas long feu. Je peux me tromper, mais d’autres titres plus compétitifs et fournis occupent déjà durablement le terrain.
Tout est bon dans le démon
Alors ce Doom, must have ? C’est un grand OUI. Ce retour dans le passé pour nous en ramener un gameplay explosif mais pas stupide est une vraie belle réussite, et on prend un pied pas possible. Au milieu des FPS de guerre (urbaine, futuriste, historique, etc.) au final assez semblables et un peu froid (comme Vladimir, toujours), Doom nous donne bien chaud avec ses démons et se donne tous les arguments pour redevenir ce qu’il n’a quelque part jamais cessé d’être: un vrai classique du jeu vidéo.
Points positifs
- Gameplay unique super punchy
- Graphismes et BO au top
- La patate des flingues
- Le mode Berserker
Points négatifs
- Multi très classique
- Répétitif à terme