Torment: Tides of Numenera

Par le dans Tous les tests, 2 en plus

Test Torment : Tides of Numenera

C’est peu dire que l’annonce d’un nouveau jeu dans l’univers Torment a fait son effet lors de l’annonce du projet sur Kickstarter. Quatre ans plus tard, le jeu est enfin disponible avec une ambition originale: proposer une aventure centrée d’abord sur des enjeux philosophiques, limite ésotériques. Dans le Neuvième Monde, on incarnera donc le dernier réceptacle en date utilisé par le Dieu Changeant dans sa recherche millénaire de la perfection. On se malaxe la tête, on respire et on plonge.

Rien n’est acquis dans Torment: Tides of Numenera. Ce Neuvième Monde est constitué d’un enchevêtrement d’époques et de lieux, et en son sein fourmillent les espèces et les histoires. Cette neuvième itération du monde semble être le résultat de l’empilement des huit précédents: les bâtiments d’une ville sont en réalité d’anciens vaisseaux spatiaux qui ne bougeront plus, l’enceinte d’une autre est un être vivant qui digère petit à petit certains habitants « élus ». Dans cet assemblage hétéroclite, on trouvera toujours quelqu’un susceptible de nous éclairer et de nous aider à nous approprier ce monde si particulier.

Le Labyrinthe intérieur de Dernier Reliquat. Oui, T:ToN part loin

Reliquat in pace

Le joueur est propulsé dans cet univers comme l’est son avatar. Le Dernier Reliquat, son titre officiel un peu pompeux, tombe du ciel comme un météore mais résiste à l’atterrissage un peu brutal. Seul bémol : être la dernière coquille en date du Dieu Changeant va de pair avec un bel esprit tout neuf et aucune connaissance de sa situation ou de ce qui l’entoure. Il ne faut pas être effrayé par la lecture car InXile a mis les bouchées doubles pour nous faire rattraper notre retard sur l’histoire du Neuvième Monde. Chaque personnage est une source incroyable d’explications, toujours teintées par leurs expériences et objectifs propres. Préparez-vous à des pages innombrables mais parfaitement écrites qui rendent honneur à la profondeur de l’univers de T:ToN.

En écho au Sans-Nom de Planescape: Torment, le joueur est propulsé dans un corps habité d’un esprit naissant. Pas de tête flottante à notre réveil mais un improbable duo avec Aligern, ancien prêtre de la Secte du Dieu Changeant, et Calistege, fervente de l’Ordre de la Vérité qui ne croit pas en la Déité de l’auto-proclamé Changeant. Les bras du premier sont parcourus de tatouages vivants, qui réagissent à ses actes et l’assistent au combat. Calistege semble composée de plusieurs personnes, plusieurs calques se superposant et se déplaçant constamment. Premières incarnations de deux visions qui s’opposent au sein de ce monde, leurs caractères sont assez finement écrits (tout comme les quêtes qui les accompagnent) pour ne pas tomber dans une simple opposition théologique.

Etrange comité d’accueil

Il faut cypher

L’une des – nombreuses – qualités qui a propulsé le premier Torment (il y a 17 ans déjà) au panthéon des JDR, à savoir une écriture d’une richesse incroyable, semble être la motivation profonde de T:ToN. Oubliez les PNJ qui ne disposent que de quelques lignes pour lancer et clore les quêtes, ici tout le monde à un truc à dire. J’ai passé la majeure partie du début de mon aventure à parler à autant de gens que possible pour comprendre l’univers dans lequel le Dernier Reliquat a atterri. Le plus beau, c’est que plus on en découvre, moins les choses ont de sens, et plus on se languit d’en apprendre davantage. La construction du Neuvième Monde n’est soumise à aucune règle et on passe d’un bâtiment provenant d’un futur lointain à un  autre qui n’existe que dans un autre monde.

Les autres reliques sont englobées sous l’appellation numeneras. Ils ont une classification globale mais qui ne correspond qu’à un besoin très cartésien d’en comprendre les fonctions. Problème, ils n’en ont pas forcément. On a donc des cyphers, objets utilisables et qui attribuent des bonus ou servent de grenades en combat. Les curiosités nous sont inutiles et destinées à la revente. D’autres numeneras semblent vivants comme la fontaine inversée à la Falaise de Sagus ou le lance-goudron sur le Récif des Mondes Perdus. Interagir avec eux peut apporter des bonus ou vous faire perdre une main, reste à voir jusqu’où la curiosité vous emportera. Le studio a réalisé un excellent boulot sur la narration et la progression, on découvre les facettes de cet univers apparemment sans fin avec fluidité, et tous les éléments ne sont pas expliqués / explicables. Ils sont.

Le poétique Biophage

L’air de rien, on se surprend vite à chiner des numeneras et tenter de les approcher de différentes manières pour voir ce qu’on peut en retirer. Pour toute la première partie du jeu, se déroulant aux Falaises de Sagus, l’écriture propose un nombre de choix et d’opportunités impressionnants. Torment laisse une belle part à l’imaginaire en nous dirigeant sans pour autant donner toutes les réponses aux questions qu’on se pose sur cet univers original aussi fou que solide. C’est malheureusement moins vrai pour la suite du jeu. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne des Falaises, le nombre de choix diminue petit à petit et les occasions de se perdre dans l’imaginaire du jeu se font plus rares. Clairement, le travail monstrueux porté sur la première dizaine d’heure n’a pas pu être prolongé sur la seconde moitié du jeu, au détriment de l’intérêt suscité chez le joueur. On se perd avec bonheur dans le dédale de dialogues et d’options au début du jeu pour terminer l’histoire en mode téléguidé.

Reliquat de rôle

La multiplicité des quêtes sur la première zone et leurs embranchements et imbrications disparaît pour des quêtes plus simples qui font multiplier les allers-retours. Très honnêtement, il m’est arrivé plus d’une fois de zappouiller des dialogues secondaires, liés aux quêtes annexes, pour avancer un peu plus rapidement tant l’intérêt s’amenuise au fil des heures. Il faut admettre que la superbe écriture (que la quête principale et ses enjeux réussit à conserver malgré tout) n’est pas aidée par un aspect roleplay pour le moins farfelu.

Pour commencer, la constitution du personnage, ses compétences et attributs sont à la limite de l’acceptable tant ils sont chiches. Si les 3 traits principaux (Puissance, Célérité et Intellect) et leur utilisation sont assez bien exploités, la montée de niveau est chaotique et les compétences débloquées assez bordéliques. En détail, InXile a rendu compliqué une formule simple malgré l’absence d’éléments qui justifierai cette complexité. Les actions (combat, interaction ou dialogue) vont demander de consommer un certain nombre de points de puissance, célérité ou intellect pour être réussies – ou pas d’ailleurs.

Une feuille de stat très allégée

Le Dernier Reliquat doit donc progresser pour pouvoir utiliser de plus en plus de points (seulement 1 au début du jeu). Le passage de niveau va aussi permettre au héros d’avoir une réserve qui attribuera automatiquement des points (qui ne seront donc pas à dépenser puisque déjà acquis) pour faciliter tout ça. Si vous n’avez rien compris, référez-vous au paragraphe précédent, section « rendre compliqué une formule simple ». Bref, le côté jeu de rôle et la progression du personnage sont plutôt accessoires. En composant correctement son équipe, il est possible rapidement d’avoir un groupe capable de réussir à presque tous les coups toutes les actions, ce qui amoindrit encore l’intérêt de la gestion de la progression de nos héros.

Identity Crisis

Qui dit jeu de rôle dit combats. Même si ce n’est pas le cœur du jeu, c’est un passage obligé pour résoudre certaines situations, et, ne le cachons pas, pour bénéficier d’un peu d’action dans ce monde de textes. Dans Torment, les combats sont appelés Crises, et peuvent être résolus en combattant (oui oui), en utilisant certains objets du décor ou encore en parlant aux belligérants pour désamorcer la situation. Autant le dire tout de suite, bien qu’InXile ait insisté sur cette option, utiliser les éléments de la scène ne se produit que trèèèès rarement, ce qui rend cette faculté quasi inutile. Les combats en eux-mêmes sont d’une mollesse rarement vue. Fort heureusement au tour par tour, mais servis par une interface brouillonne, chaque protagoniste a droit à 2 actions (1 action comme taper ou utiliser un objet et 1 déplacement).

Une Crise. Vous pouvez compter le nombre d’ennemis dans la barre du haut et vous rendre compte de leur rendu à l’écran

C’est confus, pas intuitif pour un sou et surtout inintéressant. Fort heureusement, la majorité des quêtes peuvent se résoudre sans combat. Seule une poignée est obligatoire, et j’avoue sans honte que la majorité des options que j’ai prise me permettait d’éviter le combat. L’un des combats non négociables en fin de zone du Biophage est sûrement l’une des expériences JV les plus pénibles de ces dernières années. Les options sont peu nombreuses, la tactique est simpliste – les costauds devant, les mages ou à distance derrière – et quelques bugs viendront pimenter la chose. C’est d’autant plus dommage que les ambitions de proposer un système différent sont visibles.

Techniquement, c’est encore déséquilibré. Les graphismes ont un côté « vieillot », certes, mais du plus bel effet pour rendre au mieux la complexité du Neuvième Monde. Ce n’est pas d’une beauté à couper le souffle mais la direction artistique est remarquable et réussie. Il y a bien sûr un mais : le jeu souffre de baisses de framerate constantes. On ne peut pas traverser une carte, pourtant assez petites, sans subir un joli ralentissement. Même le logo à l’écran titre lag. Cerise sur le ghetto de murdens, les temps de chargement sont très nombreux et assez longs pour un nombre d’éléments qui ne le justifie pas. En exagérant à peine, on passe un bon tiers de notre temps devant un écran de chargement.

Un écran qu’on voit trop souvent

Le jeu qui porte bien son titre

Malgré des défauts très présents, qui nuisent réellement à la qualité de l’aventure, Torment reste un titre intéressant. Il nous confronte, grâce une qualité d’écriture folle, à des choix éthiques et philosophiques rarement rencontrés dans le monde du JV. La quête universelle d’identité de ce Dernier Reliquat abandonné par son Créateur dans un monde qu’il est incapable de comprendre seul est touchante, à tel point que j’ai accepté ses nombreux défauts pour aller au bout et enfin avoir les questions à mes réponses. Tout en nuance, jamais moralisateur, T:ToN nous happe grâce à cette profondeur et malgré une technique à la ramasse.

Torment démarre sur les chapeaux de roue puis s’essouffle, pas aidé par des combats démotivants et une deuxième partie bâclée. Les quelques phases de Transe en sont un exemple parfait tant elles semblent avoir été écrites pour être jouables mais ne sont au final qu’un enchaînement de textes sur un joli fond d’écran. Si ce n’était sa narration globale et son Neuvième Monde extraordinaire, ce serait un échec total. Le jeu est sauvé par cette ambition de proposer quelque chose de profondément différent, mais nous laisse un très fort goût d’inachevé.

Le jeu a été testé sur une version presse fournie par l’éditeur.

Points positifs

  • Narration excellente
  • Univers profond et motivant
  • Direction artistique

Points négatifs

  • Performances inacceptables
  • Mode crise brouillon et combats pénibles
  • Interface lourde
  • Seconde moitié en nette perte de vitesse
6

Ecrit par : Wanerlevner

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